"Le Pouvoir des Habitudes" de Charles Duhigg — Résumé
Comment se forment nos habitudes et comment les changer ?
Charles Duhigg, journaliste d’investigation au New York Times, nous livre sur le sujet de l’habitude un condensé d’anecdotes et de résultats de recherches en psychologie et neurologie. Le Pouvoir des Habitudes dévoile la manière dont les habitudes se forment et comment nous pouvons les changer. La plupart des choix que nous avons l’impression de prendre n’en sont pas vraiment. Ce sont plutôt des habitudes qui vont impacter notre productivité, notre santé, nos finances et notre bonheur. Mais une fois que nous pouvons identifier nos habitudes, nous avons le pouvoir de les modifier.
Prologue : Se désintoxiquer de ses habitudes
A 34 ans, Lisa Allen était endettée de 10 000 $, obèse et sans emploi. Quatre ans plus tard, elle a perdu 28 kilos, s’est acquittée de sa dette et possède une maison. Comme est-elle passée d’un cap à l’autre ? En se concentrant sur UN élément : arrêter de fumer. Elle a remplacé cette habitude par des sessions de jogging qui, à leur tour, ont changé sa manière de manger, de travailler, de dormir, d’épargner, et d’avoir des plans pour le futur. En se concentrant sur une seule habitude, appelée « keystone habit », et que l’on traduira par habitude clé de voûte, Lisa a enclenché une série de changements qui ont affecté d’autres domaines de sa vie.
Duhigg s’est intéressé aux habitudes après avoir appris que dans la ville irakienne de Kufa, les violences de foules, qui sont devenues une récurrence, ont été stoppées lorsqu’un major de l’armée US a demandé au maire de la ville de garder les vendeurs de nourriture ambulants à l’extérieur des grandes places. La fois suivante, une foule s’est rassemblée à l’extérieur de la mosquée de Kufa. Puis les manifestants ont eu faim mais, ne trouvant pas les vendeurs de kebabs habituels, la foule s’est dispersée et il n’y a pas eu d’incident de violence ce jour-là, ni les suivants.
Partie I : Nos habitudes personnelles
Chapitre 1 : Comment fonctionnent nos habitudes
Déclencheur –> Routine –> Récompense.
C’est de cette manière que les habitudes fonctionnent. Les rats de laboratoire du MIT ont appris que lorsqu’ils entendaient un clic (le déclencheur), une porte s’ouvrait et ils pouvaient parcourir un labyrinthe (la routine) afin de trouver au bout du chemin un morceau de chocolat (la récompense). Les chercheurs ont noté qu’après plusieurs expériences, les rats ont compris comment parcourir le labyrinthe et leur activité cérébrale a baissé durant cette activité. En rendant automatique une série de comportements -le chunking, les rats exécutent leur tâche en mode auto-pilote, libérant ainsi leurs ressources mentales pour d’autres tâches. De la même manière, garer sa voiture requiert une énorme concentration la première fois, car il faut faire attention à plusieurs facteurs différents. Mais le conducteur expérimenté, qui a chunké la routine, peut plus tard s’accorder de rêvasser tout en garant sa voiture.
Les habitudes sont souvent formées sans intention consciente, mais comprendre qu’elles s’ancrent en nous à travers des boucles déclencheur-routine-récompense nous permet d’interrompre ces boucles, de les modifier, ou encore d’en créer de nouvelles.
Chapitre 2 : Comment se créer de nouvelles habitudes (et la révolution Pepsodent)
Les déclencheurs qui mettent la boucle de l’habitude en action doivent créer un certain désir pour la récompense.
Par exemple, brosser ses dents n’est devenue une habitude aux USA que lorsque les fabricants de Pepsodent ont ajouté des composés chimiques dans ses ingrédients, lesquels laissent une sensation de fraîcheur et des picotements sur la langue après le brossage, sensation que les utilisateurs ont commencé à désirer, puis à anticiper. De la même manière, l’effet moussant n’est absolument pas nécessaire dans un shampooing, mais ses fabricants l’ajoutent à leurs produits car c’est ce que les utilisateurs souhaitent, avoir cette impression que le produit agit réellement et fonctionne.
Pour ce qui est du désodorisant Febreze, il a souffert d’un taux de vente extrêmement bas malgré son efficacité certaine à enlever et masquer les odeurs. Cependant, l’absence d’odeurs n’était pas une récompense suffisante pour qu’une majorité de personnes l’utilise. Ses fabricants ont alors ajouté en plus une odeur agréable au produit, une récompense olfactive dans la bouteille que les utilisateurs pourraient désirer; et les ventes ont décollé, puis explosé.
Chapitre 3 : La règle d’or pour changer d’habitudes
Duhigg nous dit que les habitudes ne peuvent pas être totalement supprimées, seulement modifiées. La Golden Rule du changement d’habitudes est de garder le même déclencheur, la même récompense, mais de modifier la routine. Le fondateur des Alcoholics Anonymous, Bill Wilson, a également utilisé cette formule du changement d’habitude. Il a réussi à arrêter sa consommation d’alcool en répondant à son anxiété -le déclencheur- par une interaction sociale plutôt que par l’ébriété -la routine, toutes deux poursuivant la même récompense : soulager son angoisse.
Duhigg note que le fait de croire en l’atteinte de son objectif est essentiel. Le support social ou l’appartenance à une communauté -ne serait-elle constituée que de deux personnes- accroissent cette foi et la renforcent. La Golden Rule serait donc de croire dur comme fer au changement, et pour s’y aider, il est essentiel de côtoyer des personnes qui ont changé ce que nous aspirons à changer, ou qui sont en train de faire l’effort de le changer.
Part II : Les habitudes qui ont fait le succès des entreprises
Chapitre 4 : Les habitudes clefs (et l’irrésistible ascension de Paul O’Neill)
Les habitudes keystone sont les habitudes qui, une fois instaurées, débloquent et enclenchent une série d’autres habitudes.
En tant que CEO de la Aluminium Company of America (ALCOA), Paul O’Neill a permis à l’entreprise de réaliser des profits records en focalisant ses efforts sur une seule habitude keystone : la sécurité des employés, n’en déplaise aux investisseurs qui préféraient que les efforts soient concentrés sur des objectifs plus rentables. Ainsi, chaque accident au sein de la compagnie devait être signalé, et accompagné de solutions pour que le problème ne se répète plus à l’avenir. Cette priorisation a significativement amélioré la communication verticale au sein de l’entreprise, car l’information au sujet d’un accident devait remonter au plus vite aux supérieurs. Petit à petit, cela a également amélioré la production de l’entreprise car les employés, profitant de meilleures relations avec leur hiérarchie, proposaient idées et alternatives. De plus, ALCOA est devenue l’une des entreprises les plus sûres au monde, plus sûre que les firmes de développement informatique par exemple, tout en utilisant des métaux fondus à haute température dans ses ateliers.
En 2008, le nageur Michael Phelps a battu le record du nombre de médailles olympiques (19), en se concentrant sur l’habitude keystone de mentalement visualiser la course parfaite. Cette routine débute à son réveil, et se poursuit jusqu’à la fin de la course. Ainsi, quand Phelps se retrouve dans l’eau, il est en fait déjà en plein milieu de sa routine. Il a déjà accumulé une série de small wins (son petit déjeuner, la musique qu’il écoute, son échauffement, etc, qui se sont tous déroulés comme prévu, comme à l’accoutumée). Compléter chaque étape de la routine est une petite victoire, et la course en elle-même n’est qu’une étape supplémentaire. Ce contrôle de soi extrême lui a valu de battre un record mondial alors que ses lunettes étaient défaillantes et qu’il ne voyait plus rien sous l’eau. Il était en mode auto-pilote et s’est contenté de dérouler sa routine, une fois de plus, à l’aveuglette cette fois-ci.
Chapitre 5 : Starbucks et l’habitude du succès
Deux idées principales ressortent de ce chapitre. La première est que la volonté peut être apparentée à un muscle qui peut s’épuiser. Dans une étude, certains participants ont été placés devant un bol de radis et les autres devant un bol de cookies. Il leur a ensuite été demandé de résoudre un puzzle n’ayant pas de solution. Les participants auxquels on a interdit de manger les cookies, ont en quelque sorte épuisé leur réservoir de volonté à éviter d’en manger, et ont donc passé moins de temps et d’efforts sur le puzzle. Au contraire, les participants auxquels on a interdit de manger les radis ont passé nettement plus de temps à essayer de résoudre le puzzle.
Mais si la volonté personnelle peut-être apparentée à un muscle, cela veut dire qu’elle peut aussi être fortifiée. Des études montrent par exemple que le simple fait de tenir un journal des dépenses augmente l’auto-discipline des participants dans les autres domaines de leur vie, comme l’exercice physique ou l’alimentation saine.
La deuxième idée de ce chapitre est que la volonté devient une habitude lorsqu’on planifie son comportement à l’avance. Ecrire un plan précis expliquant comment faire face à certaines situations stressantes aide les personnes âgées ayant subi une opération des hanches à s’exercer, et ce malgré la douleur intense. Leur rééducation physique est deux à trois fois plus rapide que la rééducation de ceux n’ayant rien planifié et n’ayant pas tenu de journal. De la même manière, des plans écrits aident les baristas de Starbucks à rester calmes et professionnels lorsqu’un client se met en colère. C’est ainsi que sont formés les dizaines de milliers d’employés de Starbucks -avec un booklet où les réactions des clients sont anticipées et où des réponses leurs sont prévues à l’avance- afin d’offrir le meilleur service client qui soit, permettant à la compagnie d’augmenter ses bénéfices année après année.
Chapitre 6 : Comment les leaders peuvent profiter d’une crise pour instaurer de nouvelles habitudes
Les idées principales de ce chapitre sont que :
de mauvaises habitudes ne sont pas forcément planifiées mais peuvent naître et évoluer d’elles-mêmes
les crises qui en découlent sont des périodes d’une importance extrême, car ces mauvaises habitudes peuvent être changées à ce moment.
Pour illustrer ces idées, Duhigg évoque les trêves implicites qui ont émergé à Rhode Island Hospital entre certains médecins abusant de leur autorité et les infirmières. Ces-dernières ne pouvaient pas remettre en question une décision du médecin, même si celle-ci va à l’encontre des règles de l’hôpital. Ce déséquilibre a eu pour conséquences une opération effectuée sur le mauvais côté du cerveau, par exemple, entraînant la mort du patient, ainsi que de multiples autres erreurs médicales qui auraient pu être évitées avec une meilleure communication entre les deux professions. L’immense crise médiatique qui en a découlé et la pression exercée sur l’hôpital ont permis de mettre en place des réformes qui n’auraient jamais été acceptées par les médecins auparavant, jusqu’à ce que l’hôpital reçoive honneurs et prix.
C’est d’ailleurs en profitant du contexte de crise financière que le président Obama a réussi à appliquer plusieurs réformes, tout le temps bloquées auparavant. Il faut profiter du précieux contexte de crise pour instaurer de nouvelles habitudes et mettre en place de nouvelles réformes.
Chapitre 7 : La manipulation de vos habitudes (et comment Target anticipe vos désirs)
Les entreprises influencent nos habitudes en maquillant le nouveau afin qu’il nous semble familier, une technique que Duhigg appelle le « sandwiching ». La chaîne d’hypermarchés Target, dont les experts en analyse d’informations peuvent prédire qu’une femme est enceinte et à quel stade de grosses est-elle rien qu’en analysant ses achats, peuvent ainsi envoyer des coupons entièrement personnalisés à la future maman. Ils prendront cependant la précaution de sandwicher ces coupons en les mélangeant à d’autres coupons ne concernant pas forcément la cliente. Cette-dernière pense donc qu’elle a reçu les mêmes coupons que ses voisins, et ne se doute de rien, car Target ne veut surtout pas renvoyer l’image d’une compagnie qui espionne ses clients. De nombreuses études ont montré l’importance du marché des futurs parents. S’ils sont fidélisés pendant cette période où ils attendent un bébé, il y a de grandes chances qu’ils continuent à faire leurs courses chez Target longtemps après. Ce n’est pas un hasard si le chiffre d’affaires de l’entreprise a fait un énorme bond après la mise en place de cette nouvelle stratégie de marketing personnalisé.
Similairement, les radios musicales disposent d’outils informatiques très précis permettant de prévoir si telle chanson sera un hit ou non. C’est ainsi que « Hey Ya » de OutKast a explosé le score de ces tests logiciels. Cependant, la musique était quelque peu nouvelle et les personnes écoutant la radio avaient tendance à changer de fréquence lorsqu’elle passait. Pour les producteurs et les stations de radio qui ont misé gros dessus, il fallait absolument qu’elle soit un succès. Les DJs ont alors commencé àsandwicher « Hey Ya » en la passant au milieu de musiques déjà extrêmement populaires. C’est alors que petit à petit, les personnes ont commencé à s’y habituer, puis à l’apprécier, jusqu’à ce qu’elle figure au top des charts et qu’elle rafle un Grammy.
La leçon est donc de camoufler la nouvelle habitude que l’on souhaite instaurer en la faisant passer pour familière, en la sandwichant.
Partie III : Les habitudes qui bouleversent le monde
Chapitre 8 : Comment naissent les mouvements de société ? (et le boycott du bus de Montgomery)
La thèse de ce chapitre est que les mouvements sociaux et révolutionnaires prennent appui sur les habitudes des groupes communautaires concernés.
En 1955, lors de la lutte contre la politique municipale de ségrégation raciale dans les transports publics, il était peu pratique pour les résidents noirs de Montgomery de ne pas prendre le bus pour se rendre au travail, et ce durant des mois. Mais les pressions sociales au sein de la communauté Black étaient suffisamment puissantes pour influencer et encourager la plupart d’entre eux à utiliser d’autres moyens de transports, et ainsi continuer le boycott des bus. En effet, comment se sentirait un noir prenant le bus pendant que la majorité de sa communauté est solidaire et lutte pour plus d’égalité ?
Chapitre 9 : Le libre arbitre – Sommes-nous responsables de nos habitudes ?
La réponse de Duhigg à la question posée en guise de titre du chapitre est, pour faire court, « oui ». Si nous avons conscience de nos habitudes, alors nous sommes responsables de leurs conséquences. Pour illustrer cela, il compare la culpabilité juridique de deux tragiques individus.
Le premier est une mère au foyer qui s’ennuie beaucoup, et qui pour combler son temps, est partie au casino. Devenue accro petit à petit au blackjack, elle a dépensé plus d’un million de dollars, hypothéqué sa maison familiale, et croulé sous les dettes. Le second individu est un homme qui a accidentellement tué sa femme lors d’une terreur nocturne (une parasomnie se rapprochant du somnambulisme).
La cour a jugé la femme coupable et redevable de ses dettes, car elle avait conscience de son addiction aux jeux et aurait dû prendre les mesures nécessaires pour ne pas contracter de dettes. L’homme, lui, a été acquitté, car il ne pouvait savoir que ses somnambulismes le conduiraient au meurtre de sa femme. Neurologiquement, les états des deux personnes sont parfaitement similaires. Lorsque la femme joue au blackjack et lorsque l’homme a des terreurs nocturnes, les mêmes zones de leurs cerveaux sont actives, et ils sont en quelque sorte en mode autopilote, incapables de prendre du recul et d’agir consciemment. Cependant, juridiquement, les deux cas sont différents. Se rendre compte de ses habitudes nous rend responsables de leurs conséquences.
« Toute notre vie n’est qu’une accumulation d’habitudes » - William James
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