Bonjour ! 👋 Instagram a généré 20 milliards de revenus publicitaires en 2019. C’est le quart des revenus de son propriétaire Facebook ! Mais c’est une machine à cash qui doit rapporter davantage encore.
Pour générer encore plus de revenus, Facebook vient de modifier l’interface d’Instagram en y ajoutant deux nouvelles fonctionnalités. Le but de cet épisode est d’en analyser la stratégie.
Instagram lance Reels et Shop
Instagram a décidé d’ajouter 2 nouveaux onglets directement à sa page d’accueil :
Reels permet de créer et de publier des vidéos courtes de 15 secondes. L’algorithme de Reels vous recommande aussi les vidéos les plus susceptibles de vous intéresser. Exactement comme un certain TikTok.
Shop permet d’acheter des produits de marques et de créateurs. L’onglet permet de découvrir les dernières tendances et d’obtenir des recommandations personnalisées.
Leur offrir une place de choix directement sur la page d’accueil est une décision extrêmement forte. Instagram expose ainsi ces nouvelles fonctionnalités à ses 500 millions d’utilisateurs quotidiens. Pourquoi ?
La nouvelle stratégie d’Instagram
Le but d’Instagram est bien évidemment d’amener ses utilisateurs à interagir avec ces deux nouvelles fonctionnalités. Le fait de les placer directement sur l’accueil montre qu’ils sont au centre de la nouvelle stratégie d’Instagram.
“Nous ne prenons pas ce type d’ajouts à la légère et, de fait, la page d’accueil d’Instagram n’avait pas connu de changement aussi important depuis un bon moment.” – Instagram
Durant la pandémie, il y a eu une explosion de la consommation de contenus courts et de shopping en ligne. Nous avions abordé cette tendance du remote dans l’épisode dédié aux bouleversements amenés par le coronavirus.
D’un côté, TikTok menace très sérieusement les affaires d’Instagram sur les contenus courts, et l’entreprise tente d’y répondre avec Reels.
De l’autre, l’e-commerce est une opportunité gigantesque que Facebook veut absolument saisir.
Dit autrement, Reels est un produit défensif, et Shop un produit offensif.
Reels : la carte défensive face à TikTok
Nous avons déjà parlé de TikTok sur Afterlife Labs, lorsque nous avons tenté d’en faire une valorisation financière suite aux rumeurs de son rachat par Microsoft.
TikTok est en train de concurrencer Instagram sur une ressource finie : notre temps d’attention. Mais surtout, TikTok est en train de gagner la bataille.
Les utilisateurs de TikTok passent en moyenne 52 minutes par jour sur l’appli, quand les utilisateurs d’Instagram y passent 27 minutes. Soit à peine la moitié.
Puisque le business model d’Instagram est basé sur la publicité, plus les utilisateurs passent de temps sur l’appli et plus l’entreprise génère de revenus. Maintenant que TikTok est venu chasser sur les terres d’Instagram, cela peut se traduire par une chute brutale des revenus d’Instagram.
L’objectif d’Instagram est simple : rattraper son retard. Mais il y a encore très peu d’utilisateurs qui créent du contenu sur Reels. Or, les algorithmes de recommandation de contenu ont besoin d’énormément de données pour se perfectionner.
Aujourd’hui, l’algorithme de Reels ne peut pas être nourri à sa faim, et est donc logiquement moins performant que celui de TikTok. De plus, Reels dispose d’un catalogue de vidéos plus restreint à proposer aux consommateurs. Puisqu’il y a moins de choses à regarder, moins de personnes vont passer du temps dessus, et il y a donc moins d’attrait à ce que les créateurs y publient de nouvelles vidéos.
Dit autrement, les effets de réseau de Reels ronronnent à peine. La sauce n’a pas encore pris alors qu’il y a urgence pour Instagram. Il faut faire marcher Reels le plus vite possible, car plus son développement prend du temps, et plus la puissance des effets de réseau de TikTok s’accentue. Et donc plus l’écart se creuse.
Aujourd’hui, Reels est beaucoup moins performant que TikTok, et ça se sent. Signe de sa fragilité, la moitié des vidéos Reels ont un petit logo TikTok, qui montre que le contenu n’est pas natif et a simplement été importé depuis son rival chinois.
Shop : une niche à saisir dans l’e-commerce
Contrairement à Reels qui est une carte défensive, Shop est une carte offensive destinée à saisir une opportunité de taille dans l’e-commerce : la découverte de produits.
Si Shop connaît un succès, les 5% de frais que la plateforme prélève sur chaque transaction peuvent considérablement augmenter le revenu par utilisateur de Facebook. Et par cette même occasion, booster la valorisation boursière de l’entreprise.
L’autre bénéfice à ne pas négliger est que ce faisant, Facebook sera beaucoup moins dépendant de la publicité pour sa croissance. Cela permet à l’entreprise de se diversifier, et constitue un hedge intéressant au cas où Reels échoue et que TikTok capte la majorité de l’attention.
Pour le moment, nous ne sommes qu’aux débuts de cette nouvelle aventure. J’aime bien l’idée de Web Smith de 2PM, pour qui Facebook est en train de développer l’antithèse d’Amazon.
Alors qu’on se rend sur Amazon pour chercher un produit précis, Shop permet de découvrir spontanément de nouveaux produits censés nous intéresser. Instagram utilise les données de chaque profil pour lui faire les meilleures recommandations.
La découverte de nouveaux produits est une niche sur laquelle Facebook compte bien prendre de l’avance, notamment par le biais du social graph d’Instagram. Si on y ajoute le pouvoir des influenceurs de la plateforme, le fait de pouvoir passer une commande sans même quitter l’application et l’infrastructure de paiement de Facebook, les perspectives de croissance deviennent extrêmement intéressantes.
Reels et Shop vont-ils être un succès ?
Instagram a 500 millions d’utilisateurs quotidiens. En les exposant à Reels et Shop, malgré les nombreuses critiques face à ce changement brutal de l’expérience utilisateur, il y a de grandes chances qu’un pourcentage significatif de ces utilisateurs finisse par se laisser tenter par ces nouveaux onglets.
J’estime personnellement ce taux à 50% sur le moyen-terme. Soit 250 millions d’utilisateurs. C’est toute la force de distribution d’Instagram.
Maintenant, s’il lui est plutôt facile d’amener de nouvelles personnes à tester ses produits, en faire des utilisateurs réguliers est une toute autre histoire. Ils ne deviendront des utilisateurs réguliers que si l’expérience est impeccable, surtout que les alternatives sont nombreuses.
Il est dès lors très difficile d’imaginer le futur de Reels et de Shop, étant donné qu’ils vont certainement subir de nombreux changements dans les mois qui viennent, et qu’ils seront probablement complètement refaçonnés au fur et à mesure qu’Instagram collecte des données et surveille les habitudes d’utilisation. Pour le moment, je trouve que Shop est beaucoup mieux placé dans sa course que Reels.
Dans son livre No Filter, Sarah Frier nous raconte comment Mark Zuckerberg a insufflé la mentalité de la croissance à tout prix à Instagram, suite à son acquisition par Facebook. Aujourd’hui, Instagram est bien loin de son esprit initial d’application de partage de photos. C’est devenu l’une des plus grandes plateformes publicitaires au monde, et c’est en train de se transformer en un puissant moteur d’e-commerce.
Facebook Shops et Facebook Pay témoignent de cette nouvelle direction du groupe. Instagram Shop s’y inscrit parfaitement, et Instagram Reels, d’abord monétisé par la pub, convergera sans l’ombre d’un doute vers l’e-commerce s’il parvient à rassembler l’audience escomptée.
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