Netflix a investi 160 millions de dollars dans la production du film « The Irishman ». Jamais Netflix n'avait injecté une telle somme dans la production d'un film, ou même de toute une saison de série.
Cette super-production a permis d'aligner un casting prestigieux (Joe Pesci, Robert De Niro, Al Pacino), et a montré que Netflix était capable de faire signer des réalisateurs aussi reconnus que Martin Scorsese.
Le film a été un succès fracassant. Lors de sa première semaine, 26 millions d'abonnés Netflix l'ont regardé, faisant de lui l'un des plus beaux démarrages de la plateforme. « The Irishman » est même aujourd'hui en lice dans cinq catégories aux Golden Globes.
Mais comment en est-on arrivé là ? Comment une simple plateforme de streaming à réussi à convaincre l'un des plus grands réalisateurs à diffuser son film sur sa plateforme et à en priver les salles de cinéma ?
Chroniques d'une ascension en 10 dates majeures.
1997 - La fondation de Netflix
Tout commence en 1997 lorsque deux entrepreneurs décident de fonder Netflix en Californie, pour offrir une plateforme de location de films en ligne.
Le premier, Marc Randolph, est un conseiller et investisseur de la Silicon Valley. Il a siégé au conseil d'administration de Netflix jusqu'à sa retraite de l'entreprise en 2003.
Le second, et le plus connu, c'est Reed Hastings. Il est le CEO actuel de Netflix et le visage de l'entreprise. Il est également très réputé pour son style de management rare, reposant sur une confiance aveugle en ses collaborateurs.
1998 - Le premier site de location de DVD
Netflix lance le premier site de location de films, Netflix.com. À ses débuts, c'était uniquement un service de location de DVD basé sur un site web, et ne permettait évidement pas de streamer du contenu.
Les utilisateurs passaient leurs commandes en ligne et recevaient un DVD par la poste. Une fois le film regardé, il fallait simplement le renvoyer à Netflix.
Les locations coûtaient environ $4, montant auquel il fallait ajouter des frais postaux de $2.
1999 - Netflix lance un service d'abonnement
Netflix parie très tôt sur un nouveau business model : l'abonnement mensuel. Pour une somme fixe, le site permet de louer des DVD de manière illimitée.
Avec ce modèle, les utilisateurs pouvaient conserver les DVD aussi longtemps qu'ils le souhaitaient, mais ne pouvaient louer un nouveau film qu'après avoir rendu le précédent.
Les abonnements au forfait séduisent, mais il reste un obstacle de taille à franchir. Comment assurer la livraison en 24h du DVD commandé ?
Pour y parvenir, Reed et ses logisticiens ont recours au big data et à l’analyse de la base géographique de leurs clients. Ils mettent au point un réseau d’entrepôts qui évoluera de manière dynamique en fonction de l’évolution de la base d’abonnés.
Grâce à cette méthode, Netflix a réussi à déterminer les lieux les plus optimaux où ouvrir ses centres logistiques servant à envoyer et recevoir les DVD.
2002 - L'introduction en bourse
En 2002, le service est en pleine croissance, et compte 600 000 membres aux États-Unis. Netflix en profite pour réaliser sa première introduction en bourse sur le Nasdaq sous le symbole "NFLX".
La société émet 5,5 millions d'actions sur le marché au prix unitaire de 15 dollars chacune. Netflix a ainsi levé 82,5 millions de dollars, et l'action a gagné 11,67 % en clôture le premier jour de cotation.
2007 - Netflix parie sur le streaming
Ce n'est qu'en 2007 que Netflix, persuadé que le streaming va prendre le dessus sur les DVD, introduit le streaming. A titre de comparaison, Google a lancé YouTube en 2005. On est donc aux balbutiements de la diffusion en flux continu.
Le streaming permet aux membres de regarder instantanément des émissions de télévision et des films sur leurs ordinateurs. Ce modèle marque donc une rupture stratégique directe avec Blockbuster, le géant de l'époque de la location de films, qui finira par déposer son bilan en 2010.
2010 - L'expansion internationale commence
Netflix est disponible sur mobile (iPad, iPhone), sur des consoles (Nintendo Wii) ainsi que sur d'autres appareils connectés à Internet.
La société décide également de conquérir de nouveaux marchés à l'international, et commence par lancer son service au Canada. Netflix continuera à ouvrir des pays année après année, jusqu'à être présent (quasiment) partout en 2016.
2013 - La double casquette de producteur-diffuseur
Netflix produit et diffuse sur sa plateforme la série « House of Cards ». C'est la première fois qu'un service de VOD porte la double casquette de producteur-diffuseur pour une série aussi ambitieuse.
Netflix a misé gros sur ce pari. Il aura fallu débourser un budget colossal de plus de 100 millions de dollars pour deux saisons et 26 épisodes. Mais cela a permis d'aligner David Fincher à la réalisation, et Kevin Spacey comme acteur principal.
La société a ainsi montré au monde qu'elle pouvait attirer la crème du talent d'Hollywood sur sa plateforme. Et de surcroît, la série a été saluée par la critique et a rencontré un succès immédiat, faisant office de contre-attaque à la série « Game of Thrones » de HBO lancé deux ans plus tôt.
2014 - La montée en puissance de Netflix
En 2014, Netflix est lancé dans 6 nouveaux pays en Europe (Autriche, Belgique, France, Allemagne, Luxembourg et Suisse), et compte désormais plus de 50 millions de membres dans le monde.
Netflix remporte également 7 Emmy Awards créatifs pour ses séries phares « House of Cards » et « Orange Is the New Black ».
La croissance du nombre d'abonnés à Netflix par géographie
2017 - Le premier Oscar
C'est la consécration pour Netflix. Disponible dans 190 pays, la société de production va enfin recevoir son tant attendu Oscar. Grâce à « The White Helmets », Netflix décroche l'Oscar du meilleur court métrage documentaire.
Aucun des Casques blancs n'a cependant pu recevoir l'Oscar, le Département de la Sécurité Intérieure américain ayant refusé de leur octroyer un visa. Mais ça, c'est une autre histoire...
Avec plus de 100 millions d'abonnés payants, la dynamique du géant est lancée et sa stratégie validée. « Narcos », « Stranger Things », « Master of None » : d'autres séries made in Netflix trouvent leur public et permettent au groupe de séduire des millions d'abonnés trimestre après trimestre.
2019 - Les super-productions
Le highlight de 2019 pour Netflix, c'est « The Irishman ». Nous en avons parlé dans l'introduction, mais il faut également préciser que le budget colossal attribué à ce film s'inscrit dans une stratégie générale de production ultra-agressive.
Netflix brûle en effet un cash considérable. En 2019, la société a battu son record en dépensant 15 milliards dans la production de films, séries et documentaires.
Ce faisant, Netflix étoffe son catalogue de programmes en vue de fidéliser ses abonnés payants et d'en conquérir de nouveaux, mais la société traîne à présent 20 milliards de dollars de dettes. Cependant, le retour sur dette (ROD) de l'entreprise est intéressant car son nombre d'abonnés continue sans cesse de grimper.
D'un côté, Wall Street va commencer à mettre plus de pression sur l'entreprise à revenir à l'équilibre et à être plus prudente dans sa gestion financière. De l'autre, la guerre des plateformes de streaming qui se profile sera sans aucun doute très gourmande en ressources financières.
Comment Netflix est-il positionné dans cette course ? Ce sera le sujet du prochain épisode. À bientôt !