Les 3 Grandes Forces Qui Façonnent Notre Monde
Les forces qui façonnent notre monde et qui sont derrière tous les événements que nous vivons au quotidien
J'ai récemment lu un essai de Morgan Housel que j'ai trouvé extrêmement pertinent. Morgan est un partner au fond d'investissement Collaborative Fund. Dans son essai, il explique que quasiment tous les événements actuels remontent aux mêmes sources. Prenez le journal, choisissez un titre au hasard, et vous pouvez par un exercice intellectuel remonter à sa source.
Il y a comme ça des Grandes Forces qui façonnent notre monde et qui sont derrière tous les événements que nous vivons au quotidien.
Qu'est-ce qui a causé la dernière crise économique ? Pour pouvoir l'expliquer, il faut avoir compris le marché hypothécaire.
Qu'est-ce qui a façonné le marché hypothécaire ? Pour l'expliquer, il faut avoir compris la baisse des taux d’intérêt sur 30 ans qui l’a précédée.
Qu'est-ce qui a provoqué la chute des taux d'intérêt ? Pour l'expliquer, il faut avoir compris l'inflation des années 1970.
Quelle est la cause de cette inflation ? Pour l'expliquer, il faut avoir compris le système monétaire des années 1970 et les effets post-guerre du Vietnam.
Qu'est-ce qui a causé la guerre du Vietnam ? Pour l'expliquer, il faut avoir compris la peur du communisme de l’Occident après la Seconde Guerre mondiale…
Et ainsi de suite, sans fin.
Chaque événement, petit ou grand, a des parents, des grand-parents, des arrière-grand-parents, des frères et des cousins.
Ignorer cet arbre généalogique peut donner une lecture incomplète de pourquoi un événement x s'est produit, et sous quelles configurations il serait amené à se reproduire.
C'est pourquoi il est si compliqué de prédire l'avenir. Parce que souvent, les événements sont appréhendés de manière isolée, sans apprécier leurs racines.
Ces racines peuvent remonter à tellement longtemps, mais plus on creuse, et plus on se rapproche des Grandes Forces : c'est-à-dire la poignée d'événements si puissants qu'ils ont une influence conséquente sur des sujets en apparence sans lien.
La Seconde Guerre Mondiale
L'ultime événement, c'est la seconde Guerre Mondiale. De 1939 à 1945, le monde a pris une tournure sans précédent qui va définir presque tout ce qui va suivre.
La pénicilline doit son existence à la guerre. Et c'est la même chose pour les jets, l'énergie nucléaire, les radars, les fusées ou les hélicoptères.
Subventionner la consommation avec des crédits ? Une conséquence de la guerre aussi. Subventionner la consommation avec un crédit dont les intérêts sont déductibles d'impôt était une politique délibérée destinée à maintenir l'économie à flot après la fin de la production en temps de guerre.
Les autoroutes que vous avez peut-être empruntées ce matin ont été construites pour évacuer les villes et mobiliser les forces armées en cas d'attaque à la bombe nucléaire pendant la guerre froide, et la guerre froide n'est rien d'autre qu'un cousin de la Seconde Guerre mondiale.
Internet, ce réseau de communication décentralisé, capable de continuer à fonctionner même lorsque qu'une partie de celui-ci est détruit : un autre enfant de la guerre froide.
Prenons le mouvement afro-américain des droits civiques (1954-1968) qui visait à établir une réelle égalité de droits civiques pour les Noirs en abolissant la législation instaurant la ségrégation raciale. Le pasteur protestant Martin Luther King, apôtre de la non-violence, en est l'une des figures les plus célèbres. Ce mouvement a véritablement commencé avec l'intégration raciale pendant la guerre. L'Executive Order 8802 a été signé par Franklin Roosevelt le 25 juin 1941 pour interdire la discrimination ethnique ou raciale dans l'industrie de la défense américaine.
Prenons le mouvement féministe. La main-d'œuvre féminine a augmenté de 6,5 millions pendant la guerre. Pourquoi ? Car les femmes étaient tout simplement indispensables dans les usines. La plupart d’entre elles ont ensuite continué à travailler après la fin de la guerre.
Trouvez quelque chose d’important pour vous en 2019 - sociale, politique, économique, peu importe - et vous pourrez, avec un petit effort, remonter ses racines jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Ça marche à quasiment tous les coups.
Ce qui soulève la question suivante : quelles sont les autres Grandes forces que nous devons étudier aujourd'hui si nous voulons comprendre ce qui se passe dans le monde?
Rien n’a autant d’influence que la Seconde Guerre mondiale, mais il y a 3 Grandes Forces qui méritent notre attention. Ces 3 Grandes Forces sont :
La démographie
Les inégalités
L'accès à l'information
Chacune de ces GF aura un impact profond sur les décennies à venir car elles sont à la fois transformationnelles et omniprésentes.
La démographie
Les courbes démographiques sont sans appel. Le % de jeunes travailleurs est en déclin, tandis que le % de retraités est en augmentation.
L'humanité existe depuis 200 000 ans, et environ 100 milliards d'êtres humains sont nés durant cette ère. Pendant presque tout ce temps, faire des bébés et accroître l'espèce n'a jamais posé de problème. Les garder en vie est une autre histoire. Mais avoir une descendance conséquence a fait partie intégrante de l'humanité depuis des dizaines de milliers d'années. C'est plus que biologique, il existe un élément culturel fort à se reproduire.
A titre d'exemple, à l'époque de Staline, le titre de Mère héroïque (en russe : Мать-героиня) est une distinction qui était décernée en URSS, à partir du 8 juillet 1944 à toutes les mères de dix enfants ou plus. Les USA ne sont pas en reste. L'idéal américain en 1944 était d'avoir plus de 3 enfants. La moyenne nationale était de 3,4.
Les choses ont changé. Plus les femmes ont une situation aisée, et moins elles ont d'enfants. Les familles aisées ont plus d'ambitions pour leurs enfants. Les coûts de l’éducation créent en particulier un paradoxe dans lequel le nombre d’enfants que vous pensez pouvoir vous permettre diminue au fur et à mesure que vous vous enrichissez, car offrir une éducation de top tier représente un fardeau financier qui ne peut pas être fourni à plusieurs enfants.
Prenons l'exemple des Etats-Unis. Le taux de natalité d'une femme n'ayant pas son bac : 2.4 - celui d'une femme ayant au moins un master : 1.5. Gardons en tête que le niveau d'éducation a explosé ces 50 dernières années.
En chiffres bruts, il y a eu plus de bébés nés en 1952 en Amérique qu'en 2018, malgré une population qui a plus que doublé. De plus, l'espérance de vie à la naissance est passée de 68 à 80 ans durant cette même période. Il y a donc moins de bébés que de gens qui vivent plus longtemps, et c'est important car cela signifie que la population vieillit. Et quand la population vieillit, tout est bouleversé, de la croissance économique à la culture d'entreprise, en passant par l'ordre mondial des nations.
Voici ce qu'il s'est passé les 30 dernières années :
Et voici les projections pour les 30 prochaines années :
Quand on écoute les experts se prononcer, la nation qui va dominer le prochain siècle sera celle qui va dominer l'IA et le machine learning. La Chine est en top position, mais c'est tellement difficile d'avoir de la croissance économique lorsqu'un pays voit 1/5 de sa population disparaître en 1 génération !
La Chine pourrait inventer le prochain Internet - mais mis en perspective de sa démographie, avoir quand même une économie timide. C'est la même chose pour l'Europe, le Japon et la Corée du Sud.
Les États-Unis sont bien mieux lotis que d’autres pays développés, grâce à leur seule situation démographique. L’Amérique pourrait se faire dépasser en tech tandis que la Chine, l’Europe et le Japon feraient les meilleurs choix stratégiques, et l’Amérique pourrait quand même rester une économie plus grande et plus puissante.
Les gens aiment parler de nouvelles technologies et d’innovations, parce que c’est cool et excitant. Les données démographiques, elles, ne sont pas très fun. Mais elles auront autant d’importance, sinon plus, dans la croissance économique globale que la plupart des innovations des décennies à venir.
Une autre conséquence de la démographie : moins de naissances signifie une plus grande dépendance à l'immigration pour la croissance de la population.
L'année 1920 fut une grande année pour l'immigration. La fin de la Première Guerre mondiale a remanié la migration mondiale, et un peu plus de 800 000 personnes ont immigré aux États-Unis cette année-là.
Durant cette année, 3 millions de personnes sont également nées en Amérique. Le ratio était donc toujours en faveur des personnes nées américaines plutôt qu'en faveur des immigrés. Et c’est ce qui s’est passé pendant la plus grande partie du XXe siècle, surtout lorsque les taux d’immigration ont chuté.
Mais à mesure que le taux de natalité des américaines diminue, ce rapport change. En 2035, l’immigration ajoutera deux fois plus de personnes que les naissances américaines. Les prévisions en matière d'immigration sont compliquées, car dépendantes des vents politiques et économiques. Mais une part croissante d’immigrants américains est un fait presque garanti.
L'Amérique a été construite par des immigrés, qui se sont montrés plus entrepreneurs et avec un meilleur niveau d'éducation - les immigrés représentent 13% de la population mais 27,5% des entrepreneurs par exemple.
Même si le taux d'immigration s'avérait plus faible au cours des prochaines décennies, il aurait un effet tout aussi important, car la proportion de nouveaux citoyens est amplifiée par un taux de natalité inférieur.
C'est le même schéma en Europe. Les structures d’âge sont en train de connaître une mutation en profondeur : la part des jeunes recule, celle des personnes âgées augmente. Ce phénomène se répercutera très clairement sur les capacités en main-d’œuvre dans les années à venir (c'est déjà le cas en Allemagne et en Italie), avec des conséquences très négatives à la fois sur la productivité et la capacité d’innovation des pays concernés, mais également sur le financement et la structure des systèmes d’assurance sociale.
On nous parle aussi d'1 milliard de migrants climatiques d'ici à 2050, or les politiques et les outils actuels n'y sont absolument pas adaptés. Il ne fait alors aucun doute que la démographie est une Grande Force majeure.
Il s'agira de trouver un équilibre entre une ouverture aux migrants, que l’on sait économiquement nécessaire, et l’exigence de la population, très probablement constante, de limiter les mouvements migratoires sur le territoire national.
Les inégalités
L'inégalité, c'est par nature quelque chose qui divise. C'est tribal de nature, et ce qui est tribal peut très vite escalader lorsque l'identité et la dignité d'un groupe sont en danger.
Pour illustrer ce point, on va se pencher Le Gilded Age (littéralement « période dorée » ou « âge doré »), qui est une période de l'histoire des États-Unis, correspondant à la période de prospérité et de reconstruction qui suivit la fin de la guerre de Sécession, et qui s'est étalée de 1865 à 1901.
C’est au cours du Gilded Age, comme l’ont nommé Mark Twain et Charles Dudley Warner, qu’ont été posées les bases de la puissance actuelle des Etats-Unis.
L’ascension des États-Unis au premier rang économique mondial ne s'est pas faite au calme. C'était une vraie révolution. Comment la taxe sur les revenus les plus élevés est passée de 0% à 94% en trois décennies ?
A l'époque, des méthodes malhonnêtes pour se faire un patrimoine, avec l'aval des politiques, c'était quelque chose de courant.
Les travailleurs n'ont pas bénéficié de cette ère de prospérité : ils avaient des journées de travail de 16h, et pas de jour férié ni d'assurance maladie.
C'est dans ce contexte qu'est né le darwinisme social, ou spencérisme, qui est une doctrine politique évolutionniste qui postule que la lutte pour la vie entre les hommes est l'état naturel des relations sociales. Selon cette idéologie, ces conflits sont aussi la source fondamentale du progrès et de l'amélioration de l'être humain.
En 1882, 600 travailleurs perdaient la vie toute les semaines dans les usines, et dans des incendies tout à fait évitables si les patrons n'avaient pas condamné les issues de secours de peur que les travailleurs ne volent du matériel ou des marchandises.
Puisque les salaires étaient très faibles, toute la famille devait travailler. Au lieu d'aller à l'école et de s'instruire, les enfants allaient donc à l'usine, ce qui nourrissait le cycle de pauvreté.
Les tentatives de création de syndicats et de manifestation ont eu pour réponse une répression violente et sans merci.
Les travailleurs quittaient le monde rural pour s'installer près des usines, dans les villes où ils occupaient des appartements à plusieurs familles : les tenaments. Ces lieux étaient bondés mais surtout très dangereux, car construits à la va-vite avec des matériaux de mauvaise facture.
Bref, le pouvoir d'influence était entre les mains du capital, mais les travailleurs ont continué tout au long à essayer de s'organiser.
Des syndicats sont nés, et leur voix sont devenues de plus en plus audibles. Des lanceurs d'alerte ont commencé à dénoncer les politiques corrompus et les cartels.
La prise de conscience des travailleurs a donné naissance à une ère progressive et réformiste. Tout a changé : la fiscalité, le droit des citoyens, le droit du travail. Les cartels ont été démantelés.
En 1916, les villes américaines étaient plus clean et plus prospères, les usines moins dangereuses et le gouvernement moins corrompu. Les travailleurs occupaient de meilleurs logements, avaient des horaires de travail plus raisonnables et des salaires plus dignes.
Moins de monopole signifie également que tout américain pouvait enfin suivre l'American Dream et devenir un entrepreneur, ce qui a fortement contribué à la grande puissance des Etats-Unis.
Pour schématiser la manière dont le pouvoir économique bascule :
Une personne crée un grand business et devient riche.
Le peuple s’exclame : wow, c’est super, il a créé un super business, il mérite d’être riche !
La richesse engendre encore plus de richesse avec des effets de levier.
Plus de richesse signifie plus de pouvoir, plus de pouvoir à influencer les décisions législatives et plus de pouvoir dans la négociation des salaires.
Ces pouvoirs créent de la super-richesse, et les revenus les plus faibles s’exclament : hey, si t’es super riche c’est parce que tu as tous ces pouvoirs, et ta super-richesse ressemble plus à de la rente que de la création de valeur !
Le peuple dit : ce n’est pas juste, tu ne peux plus faire ça !
Le super-riche dit : trop tard, c’est comme ça que les choses fonctionnent à présent !
Ce processus continue à s’aggraver et à prendre de l’ampleur.
Le peuple est démoralisé et ressent que les dés sont pipés, que tout le système a été désigné pour favoriser quelques personnes au détriment des autres.
De plus en plus de personnes portent cette conviction. Ils sont maintenant de plus en plus nombreux et forment un groupe de plus en plus puissant. Ils s’organisent en groupe pour imposer le changement, mettre en place un salaire minimum et des syndicats.
Le super-riche est scandalisé : ce n’est pas juste, vous ne pouvez pas faire ça !
Et le peuple lui répond : trop tard, c’est comme ça que les choses fonctionnent à présent !
Peu importe votre idéologie ou le groupe dont vous faites partie actuellement, l'important c'est que c'est un processus qui s'est déjà déroulé, et qui se passe dans les deux directions.
Au début des années 80, le pouvoir d'influence étaient entre les mains des travailleurs, et non des investisseurs. Ce pouvoir a basculé ensuite entre les mains des investisseurs qui en profitent depuis maintenant 40 ans.
Mais ce pouvoir est transitoire. Il ne peut rester trop longtemps entre les mains d'une même catégorie. Quand l'autre catégorie en a marre, quand plus de pression s'exerce sur elle qu'elle ne peut supporter, ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle ne s'organise. Et il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir d'un groupe uni dont les intérêts convergent fortement.
Vous avez tous lu un article sur combien la richesse du top 1% a augmenté ces dernières années, ou sur la fortune du top 100 des familles les plus riches au monde. Ces nombres ont été répétés et ils nous sont généralement présentés comme indécents. Cela fait ressortir nos instincts tribaux.
De l'autre côté, il y a une autre guerre médiatique qui vise à nous faire glorifier les CEOs les plus puissants comme Elon Musk ou Jeff Bezos. Le storytelling mis en place est que ce sont des génies de ce siècle et qu'ils méritent totalement ce qu'ils possèdent. C'est le fruit de leur travail.
Mais la fortune des plus riches constitue également une dynamique auto-entretenue. L’explication principale à cette progression continue des inégalités nous est fournie par Thomas Piketty, et tient à la supériorité du rendement du capital (ce qu’il rapporte en dividendes, intérêts, etc.) sur la croissance des autres revenus. « Cela implique mécaniquement que les patrimoines issus du passé se recapitalisent plus vite que le rythme de progression de la production et des revenus », note-t-il dans son ouvrage Le capital au XXIe siècle. En clair, la valeur du capital s’accroît plus vite que le reste de l’économie.
Avec Instagram et les réseaux sociaux, le train de vie des plus riches, qui était jusque là une curiosité et un mystère, se révèle au plus grand jour et entretient son image. Car on peut capitaliser sur son image et transformer son pouvoir d'influence en machine cash. Et c'est ce gap-là qui est critique. C'est ce fossé qui peut créer l'étincelle.
Ce fossé est aujourd'hui à son plus haut historique en 1 siècle. Quelles en sont les conséquences ? On commence à en voir une partie : les Gilets Jaunes, Trump, Bernie Sanders, le Brexit et la montée des populismes. C'est une partie du peuple qui veut arrêter le train, et lui faire prendre une nouvelle direction. C'est comme ça que les choses fonctionnent à présent.
Et les choses vont continuer à changer. Par exemple, le système d'éducation américain doit changer. Aux US, il faut avoir un diplôme pour mettre les chances de son côté de rester dans la classe moyenne, et pour ça, il faut faire un prêt conséquent à la banque. On se retrouve à endetté à un très jeune âge, tandis que les frais de scolarité continent d'augmenter deux fois plus vite que le taux d'inflation, et que la dette étudiante est sur le point d'exploser. Elle est aujourd'hui de 1 600 milliards, soit 80% du PIB de la France ! Le système est en train de foncer dans le mur.
Dans les années à venir, des experts conceptualiseront et trouveront tout un tas de raisons pour expliquer pourquoi les choses ont changé. Mais il n'en demeure pas moins qu'une Grande Force en a été à l'origine au début des années 2000 : l'inégalité.
L'accès à l'information
Carole Cole a disparu en 1970 après avoir fui un centre de détention pour mineurs au Texas. Elle avait 17 ans. Un an plus tard, un corps assassiné non identifié a été retrouvé en Louisiane. C'était celui de Carole, mais la police de la Louisiane ne le savait pas. Ils ne pouvaient pas l'identifier. La disparition de Carole a alors fini par tomber dans les oubliettes, de même que le corps non identifié.
Trente-quatre ans plus tard, la sœur de Carole a posté sur Craigslist un message demandant des informations sur la disparition de sa sœur. À peu près au même moment, un shérif de Louisiane a créé une page Facebook pour demander de l’aide pour identifier le corps retrouvé 34 ans auparavant.
Et six jours plus tard, quelqu'un a fait le lien entre les deux postes.
Ce qui a déconcerté les détectives pendant près de quatre décennies a été résolu par Facebook et Craigslist en moins d’une semaine.
Ce genre de choses était inimaginable il y a 10 ans. Et nous n’avons probablement pas encore pris conscience de tout son potentiel - bon ou mauvais.
La plus grande innovation de la dernière génération a été la destruction des barrières à l’information qui isolaient les personnes les unes des autres.
Le téléphone et la radio nous ont rapprochés, mais étaient très différents. Dans son livre The Rise and Fall of American Growth, Robert Gordon nous rappelle que jusqu'à la fin des années 1800, 75% de l'Amérique était «rurale», sans téléphone ni service postal. Ce qui est arrivé à une ville pourrait aussi bien s’être déroulé sur une autre planète, l'information ne circulait pas.
Le téléphone et la radio ont transformé le 20e siècle et ont brisé ces barrières. Mais le téléphone était utilisé pour parler à des personnes avec qui vous aviez déjà un rendez-vous et la radio ne vous laissait pas lui répondre.
Ce qui s’est passé au cours des 20 dernières années - et en particulier des 10 dernières années - n’a pas de précédent historique. Le téléphone a éliminé le fossé entre vous et un parent éloigné en matière d’information, mais Internet a comblé le fossé qui existait entre vous et pratiquement toutes les personnes du monde.
C’est une Grande Force, peut-être LA plus Grande Force depuis la seconde guerre mondiale. C’est tellement immense que personne ne sait où cela nous mènera. Mais il y a quelques points intéressants à aborder.
Michael Arrington, fondateur de TechCrunch, a récemment écrit: «Je pensais que Twitter nous séparait, mais je commence petit à petit à comprendre que la moitié d'entre vous a toujours détesté l'autre, c'est juste qu'elle ne l'a jamais su avant Twitter».
Ouvrir son esprit à différentes perspectives est bon et nécessaire. Mais lorsque des points de vue fondamentaux et inébranlables, qui étaient autrefois contenus dans des tribus, s’exposent à d'autres tribus, les gens sont choqués d’apprendre que ce qui leur est sacré n’est pas une vérité universelle. L’éventail des opinions politiques a toujours été extrême, mais ce que nous avons vu au cours de la dernière décennie, c’est ce qui se produit lorsqu'on retire le voile de l’ignorance idéologique grâce à Internet.
Un autre changement est la tendance vers la méritocratie. Les personnes qui n'ont jamais eu une voix peuvent, pratiquement du jour au lendemain, avoir celle qui porte le plus. Le blogueur sous pseudo Jesse Livermore produit des analyses en investissement plus poussées que ne peuvent en publier des départements entiers des top banques d'investissement. Nick Maggiulli était inconnu il y a deux ans et n'avait jamais travaillé dans la finance. A présent, ses articles sur les investissements attirent davantage l'attention que la plupart des grandes agences de presse. En fait, le crédentialisme est en train de disparaître. Je m'en fous de qui vous êtes et du titre de votre poste. Si vous avez une bonne idée, je veux l'entendre !
Bien sûr, le revers de la médaille est dangereux, car le taré qui crie le plus fort attire souvent l’attention. Mais lorsque vous supprimez les barrières à l’entrée, vous réalisez que le talent est beaucoup plus courant que vous ne le pensiez. Des milliers de Michael Jackson, Stephen Kings et Thomas Edison seront reconnus dans le futur, et auraient été ignorés à une autre époque.
Un troisième changement est qu'il est maintenant plus difficile de cacher son identité, mais qu'il est en même temps plus facile de diffuser des fake news.
Les avis des clients se sont imposés, mais les faux commentaires constituent un défi qui n'existait pas il y a encore deux décennies. Jeff Bezos a déclaré un jour que, à mesure que les consommateurs devenaient mieux informés, les entreprises devraient «consacrer la grande majorité de leur énergie, de leur attention et de leur argent à la création d’un produit ou d’un service de qualité, et une quantité plus modeste à la publicité et au marketing». Mais en même temps, le spam existe parce que cela fonctionne.
Peut-être qu'Internet nous rend plus informés mais également plus crédules.
Et nous pouvons continuer sur l'impact de l'accès à l'information sans fin.
Les chances que Tinder ou les rencontres en ligne ne modifient pas fondamentalement le mariage au cours des prochaines générations me paraissent nulles. Facebook va d'ailleurs s'y mettre aussi en lançant bientôt Facebook Dating.
La probabilité que l’éducation en ligne ne prenne pas plus d'ampleur, c’est aussi zéro. On le voit avec le e-learning, les MOOCs, les plateformes qui explosent comme Skillshare ou Udemy.
Au final, on retombe sur la loi de Pareto. Une minorité de forces influe sur une majorité de résultats. C’est l’un des concepts les plus importants en matière d’investissement, où quelques positions peuvent représenter la majeure partie de vos rendements.
L'histoire n'est pas si différente. La Seconde Guerre mondiale, la Première Guerre mondiale et la Grande Dépression ont influencé presque tous les événements importants du XXe siècle. L'industrialisation et la guerre civile ont fait la même chose au XIXe.
Maintenant, les données démographiques, les inégalités et l'accès à l'information auront un impact considérable sur les décennies à venir. De quelle manière vont-elles influencer le monde ? C'est une histoire qui reste à raconter. Mais quand on vous la racontera, vous aurez une meilleure idée de comment tout a vraiment commencé.